vendredi 29 avril 2016

Mon arrière-grand mère berrichonne




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Jean Bouquin             1784 - 1832  marié en 1789 à Marie Renaud ... - 1803

Pierre Jean Bouquin 1793 - 1879 marié en 1827 à Catherine Fève 1805- ...

Firmin Bouquin        1840 -1923 marié en 1865 à Alphonsine Bouquin 1840-1927

Alexandre Bouquin 1866 - ... marié en 1890 à Eugénie Gilles 1866 - ...

Amédée Bouquin     1891 - 1951 marié en ... à Héloise Barré 1891 - 1987

Henriette Bouquin   1923 - ... marié en 1951 à Paul Bonnefoy 1919 - 20 janvier 1997





Alphonsine Dautin est née en 1840 à Méry es Bois.

189 années plus tôt, le 6 octobre 1651, après avoir passé la nuit au château de le Chapelle d'Angillon, les carrosses du roi Louis XIV, alors âgé de 15 ans,  accompagné de sa mère, Anne d'Autriche, roulaient dans les bois de St Palais en route depuis Fontainebleau, d'où il est parti 3 jours auparavant, vers Bourges.


La génération de sa grand-mère connut la Révolution et  celle de sa mère, une trentaine d'années auparavant, Napoléon 1ier .  


Elle est mon arrière  grand-mère paternelle, solognote et fière de l’être.





Depuis 1852, Napoléon III régnait sur le pays lorsqu'Alphonsine était communiante. Il régnait mais était malade ; il était atteint de lithiase.


Mariée à Firmin Bouquin en 1865, elle a un fils, Alexandre, dès l'année suivante. 

Celui-ci sera mon grand père, tailleur comme son père et comme le sera son fils, Amédée, à Méry es.
















La « Commère », cette femme âgée qui pratique les accouchements, avait commandé avec son accent savoureux de Sologne :

-         Allez donc ronfler un peu. Elle ne risque pas grand-chose l’Alphonsine, elle est au lit.

 Puis, après un temps d’arrêt, elle poursuivit :
C’est pas comme avant, quand les femmes accouchaient debout, jambes écartées, ou même tout simplement accroupies.

Enfin elle ajouta dans un hochement de tête convaincu :
-         Le baptême, ce sera pour demain pour sûr !

Alors, Firmin, rassuré, s’endormit du sommeil du « juste ».

Lorsque  Alexandre Bouquin vint au monde, « La Commère » le déposa toute enrubannée de bleu dans un berceau qui avait servi trois fois. La première, ce fut pour Pierre Jean Bouquin en 1793 !

Les fillettes berçaient leur poupée faite avec des épis chevelus du maïs, tandis que les garçons confectionnaient des sifflets avec des branches de marronniers taillées adroitement. Les filles appelaient leur poupée « ma catin » comme leur mère et leurs grands-mères avaient appelées la leur en leur temps.

Au pied de l'église, la maison des Bouquin existe toujours à Méry es. Elle a été restaurée, transformée, recrépie. Il est encore possible de reconnaître la portion de l’actuel magasin qui, il y a 200 ans, fut à la fois l’atelier de tailleur et la boutique de l’épicier dallée de rouge; les chambres de cette famille donnaient sur la rue ainsi que sur une petite cour à l’arrière qui donnait accès au lavoir communal grâce à un droit de passage .


Vers 1890, la partie droite de cette maison a été construite

par Firmin lorsque son fils Alexandre lui a succédé.







                              







La boutique en 1955


Les jours se succédaient semblables et au même rythme autour de l’église au clocher pointu.


L’arrivée du chemin de fer, l’école obligatoire et le service militaire ont bien évidemment eu une influence importante sur les comportements. Toutefois, les vertus traditionnelles des  populations paysannes restaient la sobriété, l’endurance au travail, le respect des traditions, l‘amour de la terre.

Le Paysan, malgré ce qu’il entend, ce qu’il pressent continue d’aimer son champ, sa maison, son bétail. Le voyage ne le tente pas. L’inconnu ne l’attire pas. Il fait fructifier « son bien », tout simplement, non pas pour jouir d’un argent plus abondant, mais pour ne pas manquer, le cas échéant.

La vie traditionnelle est rustique. L’ameublement est réduit...un lit, une table de bois blanc, quelques chaises paillées, une armoire...

Dans les petites chambres d’enfants, on remarque des « ballières », pas de sommiers mais des paillasses, pas de matelas mais des « plumetis » en duvet d’oie.

Dans la grande pièce, une cheminée large sert à diverses cuissons de mets simples et aux veillées qui se passent à le lueur du feu que l’on nourrit de fagots, pour économiser les chandelles de résine ( les lampes à pétrole n’ont fait leur apparition qu’en 1900 et l'électricité à Méry es  le 6 mai 1930 grâce à Monsieur Blaise, maire de la commune et aussi Président du Conseil Général du Cher)

L’ornement principal est une pendule à poids dont le cadran est orné de roses sculptées dans du bronze doré. Quant à la nourriture, elle est très simple et frugale. 

Dans la marmite que porte la crémaillère de la cheminée, cuit une soupe ou une potée. Peu de viande ou de vin, seulement au menu du dimanche. La soupe aux choux et au salé est presque quotidienne. La galette de pomme de terre, tout comme le pain de noix et le gâteau sont des friandises les plus appréciés des petits  Solognots et des petits Berrichons.

Quand et comment se distrait-on ? Tout d’abord à la faveur des veillées. Les familles se réunissent en hiver après le « souper ». L’été on prend le frais devant la porte des uns ou des autres, dehors sur le trottoir. Chacun apporte sa chaise. 

On se délecte des mésaventures de tel ou telle, des potins du jour, du récit d’aventures à caractère scabreux réelles ou supposées. On raconte des histoires, on chante également de vieilles rengaines. Ces veillées qui ont beaucoup compté dans nos campagnes de France ont totalement disparu lors de l’apparition de la télévision.

Bien entendu, il y a les fêtes locales ; on les appelle « assemblées ». On multipliait ces fêtes. Les Rois, la Saint-Vincent, la Chandeleur, le Mardi-Gras, Pâques, l’Ascension, la Pentecôte, le St Jean et « la Noël », bien sûr, et bien d’autres encore carillonnées ou non, toutes ce fêtes étaient attendues et donnaient lieu à des agapes pantagruéliques.

La St Firmin , fin septembre, était LA fête de Méry es;  la plus populaire. Dans des communes voisines, il y avait aussi : l’assemblée du muguet, l’assemblée de la moisson, l’assemblée des vendanges, etc...


Alphonsine connut dans son enfance et dans son adolescence ces joies à la chaude ambiance, joies décuplées dans les grandes familles comme la sienne, car amplement partagées.

Alphonsine n’avait pas de « galant ». Elle n’en avait trouvé ni lors du banquet de noces d’Amélie, ni lors de celui de Pierre Denis.

Elle ne sortait jamais seule, c’était formellement interdit pas ses parents et partageait son temps entre le travail ménager, une assistance quotidienne à sa mère, quelques travaux de lingère et de couturière au « château » des Tureaux et de conciliabule avec Augustine destiné à rompre la monotonie des jours qui se suivent et se ressemblent trop parfaitement.



 Alphonsine, trop souvent à son gré, surprenait sa mère qui, s’adressant à son époux, reprenait cette phrase obsédante : « il faut songer à placer Alphonsine ».

Le père, fataliste répondait :

J’te l’ai ben dit ma pauv’femme, j’peux tout de même pas donner ma fille à un gueux, un vieux trainard qui passe avec son sac ! ça viendra ben assez tôt, pour sûr !

Il faut considérer que, dans ces temps, pour une « jeunette » qui ne se louait pas, à part à la faveur de la fête locale du gros bourg le plus voisin, à part les fêtes de famille et les relations de voisinage, les possibilités de rencontrer un « galant » n’étaient pas nombreuses.

Au printemps 1864... lors de la St Firmin, les commères remarquèrent qu'elle dansa un peu plus souvent qu'à l'habitude avec Firmin BOUQUIN...

1865 : Mariage avec Firmin Bouquin

1866 : Naissance de son seul fils, Alexandre Bouquin





Un mot en passant sur les « louées » : les jeunes gens et les jeunes filles qui voulaient se louer allaient et venaient sur le foirail, avec, à leur coiffe, une marque distinctive (plume, ruban ou bout de carton)  que l’on lisait de préférence qui marquait l’intention de trouver un « Maître ».

On concrétisait l’accord au prix d’une pistole ou de quelques écus. 

On se rendait aux foires le plus souvent à pied, et pour les plus nantis avec les chariots des fermes où il fallait monter en s’aidant des roues pour poser le pied.

lire l'article 1920 / 30 LA « LOUEE »


Depuis 1870 et l’avènement de la troisième République, bon nombre de présidents avaient défilé à la tête du pays, d’Adolphe Thiers à Félix Faure. Dans nos campagnes de France les jeux de la politique échappaient totalement  aux populations de la terre. On travaillait, dormait et économisait.

Seule une « feuille de chou » régionale répandait de brèves nouvelles générales et laissait une place plus importante à celles du canton que l’on lisait en préférence.

Son petit fils, Amédée, naquit en 1891, dans une petite maison des Biesse située en face la mairie.

On changea de siècle sans qu' Alphonsine s’en aperçût véritablement, et sans que l’on trouvât l’évènement d’une importance capitale. Elle eut vent, bien sûr, que le nouveau président de la République avait pour nom Emile Loubet, élu en 1899. Il inaugura l’Exposition Universelle de 1900, ce qui contribua à sa renommée.










Récit romancé fortement inspiré par Pierre Chamaillard qui a raconté l’histoire de sa grand-mère, Lucie Fournier sur la période de 1865 à 1950.

Elle était originaire de la commune voisine  de Nançay et tante de l’écrivain Alain Fournier




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